jeudi 21 juin 2018

On a tué Bisou, Mehmet Murat Somer.



Appréciant les romans d’Orhan Pamuk (prix Nobel de littérature), ma curiosité m’a poussé à découvrir d’autres auteurs turcs et l’un des noms qui revenait souvent lors de mes recherches est Mehmet Murat Somer.

Auteur de 4 romans policiers, sa principale particularité est de raconter des histoires qui se déroulent dans les milieux gays turcs qu’il semble bien connaitre. C’est la première fois que je lis un polar qui met en scène quasiment que des personnages gays. Je dois dire qu’au début cela déstabilise légèrement car l’auteur féminise à la limite de la caricature ses personnages masculins mais passé ce choix d’écriture, il est intéressant de découvrir les lieux emblématiques des homos d’Istanbul.

Loin de la Mosquée bleue et de la Basilique Sainte-Sophie, l’auteur nous emmène dans les quartiers prisés par la jeunesse stambouliote où la nuit se confond avec le jour. Drogue, sexe, violence… Tous les ingrédients sont réunis en préambule pour servir une histoire policière à suspense. Cependant, même si la personnage principale (une travestie, patronne d’un club la nuit et informaticien le jour) est attachante et assez marrante, l’histoire manque de piquant et capte que très peu l’intérêt du lecteur.
 
L’intrigue est simple : une travestie très entreprenante, qui se fait appeler « Bisou », est retrouvée morte, très probablement assassinée par un ou plusieurs clients.

Le mobile de ce crime semble facile : des documents compromettants se baladent dans la nature et pourraient être exploités à mauvais escient.

L’enquête : la police n’est pas sur le coup et c’est donc la « patronne » de Bisou qui va prendre les choses en mains sans se rendre compte que sa vie est déjà menacée. Elle comprendra très rapidement qu’il n’est pas pratique de courir après des assassins en talons hauts et robe moulante. Malgré ses convictions elle patauge.  Très peu d’intuition, une étrange capacité à se jeter dans la gueule du loup sans assurer ses arrières, une faiblesse d’esprit qui fait d’elle un élément manipulable à souhait bref une carrure qui ne colle pas avec les vêtements peu sexy d’enquêtrice.

Bizarrement ce décalage entre la personnalité de l’héroïne et le rôle que lui attribue l’auteur, est une force pour cette histoire et sans la rendre crédible à 100%, la rend grandement plausible étant donné le contexte du meurtre.

Même si la plume de l’auteur est agréable et qu’il préfère user des dialogues courts entre les personnages plutôt que de longues descriptions de narration, le constat est sans appel : très peu de rythme et un manque de suspense d’un chapitre à l’autre.

Ce n’est clairement pas le genre de livre qu’on a du mal à lâcher à la fin d’un chapitre et c’est bien le problème ! Moins de 300 pages pour découvrir qui a tué Bisou mais aucun artifice de la part de l’auteur pour pousser le lecteur à dévorer son roman.

Vous l’aurez compris, une grande déception pour cette découverte. L’originalité seule ne fait pas le succès d’une histoire. Reste à voir si les autres romans de Mehmet Murat Somer sont plus percutants.


A voir oui… mais pas pour cette année !

mardi 19 juin 2018

Le Manuscrit Inachevé, Franck THILLIEZ




Thilliez fait partie du Top 3 de mes auteurs de thrillers favoris et j’évite de passer à côté de l’un de ses romans. Très excité à l’idée de me plonger une nouvelle fois dans ses écrits, j’attendais beaucoup de ce fameux « manuscrit inachevé ».

Je dois dire qu’en terminant ce bouquin, mon avis est mitigé. Je vous l’expose :

L’idée de départ n’est pas mal trouvée et peut, dès les premières pages, dérouter le lecteur. Ce ne serait pas Thilliez qui aurait écrit cette histoire mais un certain Enaël Miraure. Cet auteur met en scène, à son tour, un célèbre écrivain (Caleb Traskman) qui ne terminera pas son ultime roman puisqu’il va mourir. Le fils de ce dernier va reprendre le flambeau et tenter de mettre un point final à l’intrigue. Ce roman est celui que nous lisons, à savoir le manuscrit inachevé… Un fois ces éléments bien assimilés, il est bien plus commode de rentrer dans l’histoire et de se laisser désorienté par le jeu de pistes que nous a concocté l’auteur…

Les points positifs sont souvent les mêmes avec Thilliez : une trame maitrisée de bout en bout qui brouille le lecteur au fur et à mesure que l’histoire avance, une écriture sans fioritures et une découpe efficace des chapitres qui ajoute du dynamisme aux scènes d’actions ou de révélations, des descriptions si réalistes qu’il est inenvisageable de ne pas passer par la case tachycardie, des personnages attachants malmenés par les drames de la vie et dont l’auteur accentue inexorablement les souffrances…

Avec ce genre de principes combinés, le roman capte infailliblement l’attention du lecteur et devient petit à petit le page-turner que l’on attend.
Pourtant, il y a en parallèle de ces points des faits perturbants. Pour certains lecteurs, cela peut relever de la bagatelle mais même si ce sont des détails, ils ont malgré tout influencé mon expérience de lecture.

Par exemple, par certains moments, j’ai trouvé que l’héroïne Léane était borderline dans ses actes. Elle n’hésite pas à mentir, à agir sur des pulsions ou des intuitions jusqu’à fleurter avec la mort pour mener sa propre enquête alors qu’elle peut collaborer avec les différents flics qui l’entourent. Cette prise de risques clairement non calculée a banni une part de crédibilité de l’intrigue. Un peu trop surjoué selon moi, comme si Thilliez poussait son personnage à l’extrême de ses capacités pour justifier le final.

La fin est à mon gout, plutôt facile. J’espérais un dénouement bien plus complexe à la vue de l’abondance des pistes et des rebondissements. Je regrette également la quasi absence d’éléments scientifiques dont Thilliez est coutumier et qui donnent au lecteur l’impression d’être plus intelligent une fois la lecture terminée (j’ai quand même appris ce qu’est un xiphophore).

A noter que des clins d’œil à Conan Doyle et à Maurice Leblanc sont glissés dans l’histoire et feront plaisir aux amateurs du genre.

Pour conclure, « Le manuscrit inachevé » reste un thriller efficace et une bonne porte d’entrée dans l’univers de Franck Thilliez puisqu’ici pas de traces de ses personnages récurrents qui je dois le dire m’ont manqué affreusement cette fois ci. Pour les habitués, il peut y avoir une sensation de « déjà lu » qui viendra ébrécher le cocon dans lequel l’auteur nous a pourtant si subtilement enfermés.


lundi 14 mai 2018

La nuit de l'Ogre, Patrick Bauwen







Mon avis :

Patrick Bauwen, médecin urgentiste de métier, est un auteur apprécié et reconnu par le public français friand d'histoires à suspense. Il y a déjà plus de 10 ans que j'ai eu entre les mains son premier roman "l’œil de Caine" et j'en garde encore à ce jour un excellent souvenir. Lorsque l'on me demande des conseils de lecture, je cite à chaque fois les romans de Bauwen qui sont des véritables pépites dans le flot des polars très moyens qui inondent le marché.

"La nuit de l'ogre" est une histoire glaçante qui met en scène le médecin urgentiste Chris Kovak croisé dans le précédent roman de l'auteur. Le lieutenant Valenti, une autre figure importante du 'jour de chien" est aussi de la partie et devra tenter de résoudre une affaire criminelle des plus effroyables. De pistes solides en rebondissements,  d'indices douteux en preuves irréfutables, nos deux personnages finiront par avancer ensemble dans cette traque éprouvante. Attention aux cœurs fragiles :  l'histoire est riche et très bien ficelée... Émotions en tout genre garantis jusqu'à la dernière page !

La plume de l'auteur, la construction de l'intrigue et la psychologie des personnages  font de ce roman un véritable page-turner ! Un livre qui procure de longues heures de frissons surtout si comme moi vous aimez lire le soir plongé dans une atmosphère où la sérénité se mêle à l'angoisse.

Pour une meilleure compréhension ou afin d'éviter d'avoir des éléments capitaux qui peuvent atténuer le plaisir de lecture, je conseille vivement de se procurer le précédent roman avant d'entamer celui ci.



Je remercie Babelio (masse critique) et les éditions Albin Michel de m'avoir permis de lire cette histoire avec un exemplaire des épreuves non corrigées.

lundi 9 octobre 2017

Underground Railroad, Colson WHITEHEAD




La majorité des critiques littéraires sont unanimes sur le dernier roman de Colson Whitehead, Underground Railroad : un chef-d'oeuvre ! Rien que cela... C'est vrai que le livre a fait grand bruit outre-Atlantique et a obtenu deux prestigieux prix (National Book Award 2016, prix Pulitzer 2017) mais la raison de ce succès vient-elle de l'histoire ou bien d'un contexte ?

Retour au XIXème siècle aux Etats-Unis. L'auteur nous raconte l'histoire de Cora, une jeune esclave qui décidera de s'enfuir de la plantation de coton où elle trime depuis sa naissance afin d'échapper à la violence d'un propriétaire sans scrupules et d'espérer une vie meilleure. Mais la liberté a un prix. Elle n'est jamais gratuite surtout dans les états du sud. Cora l'apprendra tout le long de sa cavale en évoluant dans un environnement hostile et raciste.

Sauver sa vie sera sa principale préoccupation, aidée par plusieurs abolitionnistes blancs qui risqueront la leur et celle de leur famille pour faciliter la fuite de la jeune fille via un réseau souterrain de chemin de fer, l'Underground Railroad.



L'auteur n'hésite pas à décrire la haine qu'ont subit les esclaves noirs via des actes de violence d'une cruauté sans nom des propriétaires blancs. En parallèle, il met en valeur les rares américains qui se battent dans l'ombre pour aider à leur échelle, les fugitifs noirs traqués par une populace collaborationniste et des chasseurs d'esclaves avides de sang et d'argent.

Pour ma part, ce livre n'est pas un coup de coeur mais au delà de ce récit, l'auteur nous pousse à avoir une réflexion sur l'état de l'Amérique d'aujourd'hui. La ségrégation raciale n'a jamais vraiment disparu aux Etats-Unis surtout dans les états du Sud comme en témoignent il y a encore peu, les nombreux faits divers racistes.

Pour en revenir au livre et conclure, il faut prendre ce récit comme un témoignage même si le découpage des chapitres est parfois déconcertant, que certains (longs) paragraphes n'apportent rien à l'intrigue principale, l'auteur nous adresse un message : n'oublions pas le passé afin d'éviter que L Histoire ne soit qu'un éternel recommencement.

SHORT numéro 19







Je remercie Babelio et Short Edition de m'avoir permis de lire le numéro 19 de la revue "SHORT".

Je connaissais "Short"via les fameuses bornes d'histoires courtes déployées dans les gares et certains lieux publics.

Cet éditeur privilégie les histoires courtes et permet donc de mettre en lumière des écrivains occasionnels ou en devenir.

La revue "Short" donne également la parole à des poètes et aussi à des dessinateurs. C'est ce choix éditorialiste de mêler la littérature à la poésie et la la littérature à la BD, qui fait de "Short" un OVNI dans l'offre littéraire actuelle.

J'ai entre les mains le numéro 19. Il s'agit du numéro spécial "Hiver" (une publication tous les 3 mois qui colle avec les saisons). La qualité de l'impression et du papier est très bonne mais le prix (12 euros) peut refroidir les nouveaux lecteurs. Heureusement, en parallèle, l'éditeur propose sur son site la version numérique du magazine pour un prix très abordable (2,49 euros).

Ce numéro met à l'honneur les lauréats du grand prix Hiver 2017. On retrouve au total 27 histoires classées par thématiques (nouvelles, BD courtes, poèmes et la catégorie très très courts). L'éditeur indique par un code couleur ainsi qu'une moyenne de minutes, le temps qu'il faudra pour lire l'une ou l'autre des histoires suivant la catégorie.

A noter que les histoires sont également répertoriées par thématique principale (ex : amitié, désespoir, suspense...). Ainsi, le lecteur pourra suivant son humeur du moment ou suivant son intérêt choisir l'histoire qui lui convient.

Si vous êtes comme moi, frustré de devoir fermer votre livre ou de mettre en veille votre liseuse au milieu d'un chapitre passionnant car votre bus est arrivé à destination par exemple; Avec "Short", fini la frustration... Il vous suffit de choisir votre histoire selon sa longueur et de la lire tranquillement. Même en deux minutes chrono, l'évasion est garantie et le plaisir bien au rendez-vous ! 

Pour plus d'informations, et afin de découvrir la communauté des lecteurs / auteurs d'histoires courtes, rendez vous sur le site short-edition.com

tous les livres sur Babelio.com



vendredi 29 septembre 2017

La vengeance du pardon, Eric-Emmanuel SCHMITT






Présentation :

Recueil de quatre nouvelles : deux soeurs jumelles que tout oppose moralement s'aiment et se haïssent tout au long de leur vie, un homme jouisseur abuse d'une fille candide et lui arrache son enfant, un père dur et fermé s'humanise au contact de sa petite fille avec qui il se plonge dans le lecture du «Petit Prince» et une femme rend régulièrement visite à l’assassin de sa fille en prison.





– Sais-tu ce qu’est une mère ?
– Non…
– Quelqu’un qui ne repousse pas. Quelqu’un qui accueille. Quelqu’un qui aime. Quelqu’un qui ne juge pas. Quelqu’un qui pardonne.



Mon avis :

Ce recueil composé de 4 nouvelles traite, comme l'indique  le titre, du pardon.

La pardon, c'est refuser la vengeance (oxymore bien trouvée au passage). Réussir à pardonner est un acte difficile auquel nous ne sommes pas égaux. Et c'est à travers des histoires bien distinctes qu'Eric-Emmanuel Schmitt nous démontre que le pardon n'est pas qu'une notion religieuse.

A l'expression "la vengeance est un plat qui se mange froid", l'auteur préfère
la maxime "Tout homme peut faillir, mais tout homme mérite pardon."

Nous suivons donc le récit d'hommes et de femmes qui auront des choix parfois très difficiles à faire afin de soulager leurs consciences torturées.

Le réalisme des histoires ainsi que la justesse des sentiments des personnages facilitent notre capacité de projection et d'identification.

Pour ma part, "la vengeance du pardon" est un livre que je conseille à tous et notamment à ceux qui n'ont jamais lu l'auteur. C'est une porte d'entrée simple d'accès et qui peut être marquante tant ce recueil est empreint de sincérité et d'émotions nuancées.

Notion spéciale à la deuxième nouvelle qui m'a marqué des jours et des jours après sa lecture.

mardi 12 septembre 2017

Terreur, Yann MOIX




Présentation :

« Ce livre, écrit au jour le jour pendant et après les attentats contre Charlie Hebdo et à l'Hypercacher, ne sort que deux ans après les événements : il fallait respecter le temps du deuil ; et me donner la faculté de suspendre celui de la réflexion.

"Penser" les attentats est une gageure, parfois même un oxymore : le risque est soit de donner trop de sens à ce qui n'en a pas, soit de rater les étapes d'un processus plus complexe qu'il n'y paraît. Penser les attentats, c'est possiblement se tromper. Ce livre est un cheminement, une progression, une interrogation, un questionnement sur la radicalité, la radicalisation, la jeunesse, l'islamisation, la violence, le nihilisme. Autant de termes qu'on ressasse à longueur de journées sans jamais s'arrêter pour les creuser, les approfondir jusqu'à la nausée.

Ce petit essai est obsessionnel : revenir à l'infini sur les actes, les causes, les effets, les acteurs, les conséquences, sans jamais se raturer, au risque même, çà et là, de se contredire. Les frères Kouachi, Amédy Coulibaly sont les tristes protagonistes d'un événement originel, matrice de tous les attentats qui suivirent : les notes et scolies rédigées à chaud et publiées maintenant, doivent se plaquer sur tous les attentats qui suivirent, et qui sortent tout droit, peu ou prou, de janvier 2015.Car ce qui me frappe à la relecture d’un texte rédigé il y a deux ans, c’est à quel point ce qui y était prévu est déjà advenu ou encore, hélas, à advenir.

Je n’ai donc rien censuré des passages prophétiques qui me donnent aujourd’hui le sentiment d’une réflexion rattrapée par le réel, au prétexte qu’ils pourraient être lus comme ayant été rédigés rétroactivement à partir du réel : on ne s’excuse pas d’avoir eu raison trop tôt. "Nous sommes en guerre" a dit le président de la République. Les écrivains ont toujours voulu dire la guerre. Je n'échappe ni à la règle, ni à la tradition. »




Mon avis :

J'ai apprécié les précédents ouvrages de l'auteur mais je dois dire que j'ai eu du mal à suivre les reflexions de Yann Moix dans ce qui semble être un recueil de ses analyses à chaud suite à la vague d'attentats que la France a connu ces derniers mois.

La partie la plus intéressante, pour ma part, est celle qui fait la comparaison entre les terroristes anarchistes du 19e et les terroristes djihadistes sinon pour le reste je n'ai pas l'impression que ses analyses font avancer la compréhension complexe du sujet...